Le bimétallisme

Le bimétallisme désigne un système monétaire reposant sur deux métaux précieux (le plus souvent l'or et l'argent), lesquels servent simultanément d'étalon.

Caractéristiques du bimétallisme

Selon ce système, il y a, non pas un seul, mais deux étalons monétaires, lesquels correspondent à un poids fixe d'or et à un poids fixe d'argent. Un rapport de valeur légal permet d'échanger l'un des métaux contre l'autre, et vice versa.

En clair, cela signifie qu'il y a deux métaux-étalons, c'est-à-dire deux unités de compte, que ceux-ci ont un cours légal (une valeur fixée par la loi), et que c'est en fonction de ce cours légal que toute monnaie émise (pièces, billets de banque, tout type de monnaie scripturale, etc.) va pourvoir être échangée contre l'un ou l'autre des deux métaux-étalons. Enfin, l'or et l'argent s'échangent réciproquement en fonction du cours légal établi : on parle de parité légale, terme qui désigne un rapport d'équivalence.

Qui plus est, le bimétallisme implique que les deux métaux qui servent d'étalon peuvent être frappés librement. La liberté de frappe consiste à permettre à quiconque d'apporter une certain quantité d'or ou d'argent dans un atelier des monnaies (ou Hôtel des Monnaies) pour qu'il soit ensuite fondu et que des pièces de monnaies soient frappées à partir du métal apporté.

Enfin, les deux métaux étalons ont un pouvoir libératoire illimité, ce qui signifie qu'un débiteur peut payer son créancier et ainsi éteindre sa dette en or ou en argent.

Les métaux précieux utilisés ont donc le plus souvent été l'or et l'argent. Cependant, cela ne signifie pas qu'un système monétaire bimétalliste exclurait l'utilisation d'autres métaux, comme le bronze ou le nickel, pour créer des pièces de monnaies d'appoint qui serviront à affiner les paiements.

Le bimétallisme s'oppose au monométallisme, qui n'est pas la circulation d'un seul métal au sein d'un système monétaire, mais la définition d'un seul métal étalon.

La loi de Gresham ou les limites du bimétallisme

Le bimétallisme présente plusieurs inconvénients majeurs. Les principales limites que rencontre ce système ont été formulées par un financier anglais du 16ème siècle, Sir Thomas Gresham (bien qu'Aristophane, Nicole Oresme et Nicolas Copernic ont avant lui mentionné, démontré ou analysé ce phénomène), à qui ont doit la loi de Gresham. Selon cette loi :

« Lorsque deux monnaies sont en circulation, l’une considérée comme bonne, l’autre considérée comme mauvaise, la mauvaise monnaie chasse la bonne. »

En d'autres termes, lorsque deux monnaies métal ont cours, la dépréciation de l'une (la mauvaise monnaie) entraîne la thésaurisation de l'autre (la bonne monnaie). Ce mouvement crée la disparition de la bonne monnaie, systématiquement épargnée (en termes concrets, retirée de la circulation), et la sur-utilisation de la mauvaise, qui devient peu à peu la seule à circuler.

Dans un fonctionnement de type bimétalliste, deux métaux précieux, quand ils sont frappés sous forme de pièces ont donc un cours légal fixe, mais un cours libre quand ils se présentent sous la forme de matières premières ou de lingots, dont les prix varient en fonction des lois de l'offre et de la demande (hausse ou baisse de l'extraction d'un métal, découverte d'un gisement, etc.).

Dès lors, une distorsion naît entre la valeur de la pièce et celle de la matière première, et des possibilités de spéculations, qui sont immédiatement exploitées par des spéculateurs pour leur enrichissement personnel, apparaissent, mettant en danger l'équilibre monétaire tout entier.

Concrètement, trois attitudes vont apparaître et menacer l'équilibre économique tout entier.

Profiter de la différence entre taux légal des monnaies et cours libre des métaux précieux

Prenons un exemple grossier pour mettre en évidence ces mécanismes pervers qui noyautent un système monétaire reposant sur le bimétallisme. Admettons que le rapport légal entre l'or et l'argent (monnaie) soit de 1 pour 20 et que 1 unité d'or vaille 20 unités d'argent, mais que sur le marché, où le cours libre, ces mêmes 20 unités d'argent vaillent désormais 2 unités d'or (et qu'il ne faille donc plus que 10 unités d'argent pour obtenir une unité d'or).

La stratégie pour s'enrichir sera la suivante : acheter de l'argent au taux légal fixe avec de l'or (par exemple 100 unités d'argent grâce à 5 unités d'or), pour le revendre ensuite sur les marchés : il ne me faut désormais plus que 10 unités d'argent pour obtenir une unité d'or, ce qui me permet de transformer mes 100 unités d'argent récemment acquises en 10 unités d'or. Je me suis donc enrichi de 5 unités d'or.

Pour compenser la disparition progressive des unités d'argent qui disparaissent du système monétaire pour servir à ce type d'opération, la banque centrale doit racheter sur le marché du métal la quantité d'argent manquante, à un prix supérieur à celui du taux légal (elle s'appauvrit donc), et qu'elle doit encore frapper pour les réintroduire au sein du cours légal.

Bien évidemment, dans la réalité, la différence entre le taux légal et le cours libre est bien moins marquée que dans notre exemple, mais celui-ci, en grossissant le trait, montre le phénomène d'érosion progressive de l'économie.

La spéculation

Mais ce n'est pas tout. Cette discordance entre taux légal et cours libre engendre une autre attitude : la spéculation. Toujours d'après l'exemple précédent, des spéculateurs vont se mettre à liquider leur or en l'échangeant auprès de la banque centrale contre de l'argent, qu'ils vont stocker jusqu'à ce que la banque centrale se mette à réévaluer le taux de change, après quoi ils n'auront plus qu'à revenir échanger l'argent qu'ils ont stocké contre de l'or, en réalisant à nouveau un gain.

La thésaurisation

Enfin, troisième attitude (la plus connue) : la thésaurisation de l'une des deux monnaies (la bonne), qui est chassée de la circulation par l'autre (la mauvaise), qui devient bientôt la seule à circuler. Si l'on reprend notre exemple, il s'agit de ne plus utiliser que les monnaies d'or dans les achats courants, et de thésauriser les monnaies argent ou de les revendre sur le marché du métal (dont le cours est libre) pour qu'elles soient fondues.

Bien évidemment, ce mouvement qui chasse l'argent au profit de l'or, peut tout à fait être inversé, si bien que l'or serait chassé au profit de l'argent, si d'aventures quelque événement économique ou minier rendait l'or plus propice à la thésaurisation, à la spéculation ou à des échanges plus avantageux avec des économies étrangères.

Les limites du bimétallisme ont progressivement conduit toutes les économies à l'abandonner au profit de l'utilisation d'un seul étalon monétaire.

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Le monométallisme, système monétaire fondé sur une seule étalon monétaire (et donc un seul métal légal).