La chasse aux épaves en mer Méditerranée

Fred et Jamy partent explorer une épave sous-marine reposant au large de Marseille. En se transformant en chasseurs d'épaves, ils vont côtoyer des archéologues et expliquer plusieurs de leurs techniques pour repérer les endroits ou de nombreux naufrages ont pu avoir lieu, les méthodes utilisées pour détecter des épaves, dater celles-ci, les renflouer si cela s'avère possible et bien sûr conserver les vestiges et autres trésors archéologiques.

La mer Méditerranée est une véritable mine d'or pour les marins, avec tous les navires qui y sont engloutis depuis des millénaires. Sur les seules côtes françaises de la Méditerrannée, 650 épaves antiques ont été répertoriées, entre le 6ème siècle avant J.-C. et le 7ème siècle après J.-C. Cependant, de nombreuses épaves plus récentes jonchent également les fonds marins.

Le cargo Le Chaouen

L'épave explorée sera celle du cargo appelé Le Chaouen, qui a coulé en 1970 à quelques encâblures de l'île de Planier, non loin de Marseille. Dans les eaux territoriales françaises, la loi exige que, lorsque l'on trouve une épave, de quelque nature que ce soit (navire, avion), on doit d'abord la déclarer et on ne peut rien remonter sans autorisation. On peut seulement les explorer, pourvu que l'on ne déplace rien. Des pilleurs explorent cependant les fonds marins et font la chasse aux trésors, qu'il s'agisse de monnaies, d'amphores ou de vestiges anciens afin de les revendre illégalement.

Jean-Pierre Joncheray, archéologue amateur, a localisé à lui seul 22 épaves, dont la plus vieille remonte au 6ème siècle, et la plus récente du 19ème siècle / 20ème siècle.

Pour repérer les nabires qui ont coulé, les chasseurs d'épaves explorent généralement les zones hérissées de récifs, car c'est eux, sur les grandes routes maritimes, qui sont responsables de la plupart des naufrages. Cependant, comme cette technique est très répandue, les archéologues explorent aussi de nouvelles zones.

Localisation d'épaves

L'île du Planier se trouve à une quinzaine de kilomètres au large de Marseille. L'épave du Chaouen, un cargo marocain, se trouve au sud de l'île. Elle est couchée sur les flancs de l'île et repose entre 4 et 30 mètres de fond. De nombreux autres bateaux ont été coulés aux abords de cette île, et notamment le Dalton, un autre cargo, et même les restes d'une épave antique. Des avions se sont également abimés ici, dont un messerschmitt, avion allemand abattu pendant la guerre, ou encore un hydravion français, également abattu pendant la guerre.

Les circonstances du naufrage du Chaouen ne sont pas connues avec précion. Celui-ci a certainemnent dû couler à cause d'une grosse erreur de navigation, car lorsque le naufrage s'est produit, il était en pilote automatique. C'était en 1970. Le bilan humain est nul.

Des images d'archives montrent la Calypso du Commandant Cousteau. C'est l'invention du scaphandre autonome qui a permis à l'archéologie sous-marine de se développer, rendant les explorations d'épaves possibles. En 1952, les plongeurs de la Calypso explorent l'épave Grand Congloué. C'est la première grande fouille sous-marine française.

Les épaves modernes

Des milliers d'épaves ont ainsi été remontées à la surface. Chaque année dans le monde, entre 300 et 400 navires disparaissent chaque année sous les eaux du globe. Cependant, les épaves modernes supportent mal le passage du temps. Le fer, sous l'action de l'eau de mer, se corrode de manière très rapide, et les bateaux récents se désagrègent très rapidement.

L'acier, à la différence des métaux nobles, est particulièrement vulnérable à l'oxydation. Après plusieurs décennies ou siècles passés sous l'eau, une concrétion se forment autour d'eux. On appelle ça une gangue.

Quand sent l'acier, on remarque une petite odeur. Cette odeur est formée par de minuscules particules de fers qui s'échappent de l'objet en acier pour se combiner à de minuscules autres éléments. Sous l'eau, le même processus a lieu. De petits éléments de fer s'échappent et vont s'associer à des éléments contenus dans l'eau, comme du chlorure, contenu dans le sel de mer, et qui associé au fer donnait du chlorure de fer, ou du sodium. Tous ces éléments se regroupent autour de l'objet, jusqu'à former une concrétion, qui fragilise l'acier.

L'épave du titanic, située dans l'Atlantique Nord, a coulé au large de Terre-Neuve et repose par 3800 mètres de fond. Il passait pourtant pour insubmersible : 1500 victimes et 700 rescapés. Plusieurs expéditions ont été menées pour explorer l'épave. Des centaines d'objets ont ainsi pu être remontés à la surface.

Conserver un objet qui a séjourné dans l'eau de mer

Pour préserver un objet en métal qui a fait un long séjour sous l'eau, on le débarrasse de la fameuse gangue formée par la corrosion. Parfois l'objet sorti de cette concrétion est en parfait état. Mais ceci n'est que temporaire. Sous l'action de l'air, il s'effrite et se désagrège.

À la surface et à l'intérieur de l'objet, il reste des chlorures de fer, autrement dit du fer, combinés à du chlorure. À l'air libre, ce chlorure de fer se combine à l'oxygène et à l'hydrogène qu'il contient, pour former par réaction chimique de l'acide chlorydrique. Or, l'acide chorydrique détruit le fer.

Pour empêcher cette réaction chimique, on va tenter de pièger les chlorures en procédant à une électrolyse. Pour ce faire, on plonge l'élément repêché dans un bain. On place à côté un morceau de fer neuf, puis on fait circuler un courant électrique dans les deux éléments métalliques. Les éléments chlorures vont sortir du morceau repêché pour rejoindre le morceau de métal neuf. Cette opération permettra de chasser tous les éléments chlorures et de stopper le processus de désagrégation de l'épave.

Un autre traitement électrique, l'électrophorèse, permet également de sauver du cuir… ou du papier.

L'exploration et la fouille des navires naufragés

L'épave Chrétienne M est une épave qui date du 1er siècle avant J.-C., située en mer près de la balise appelée la Chrétienne, à Saint-Raphaël, dans le Var. De nombreuses autres épaves reposent dans cette zone. Des trésors de monnaie ont été trouvés sur l'une des épaves.

Dans les très vieilles épaves dont la coque était en bois, on ne retrouve généralement jamais la coque, mais plutôt la cargaison, en l'occurrence des poteries, des monnaies. Ces vestiges permettent d'identifier parfois avec précision la provenance du bateau, sa fonction et sa destination.

Lorsque les archéologues explorent une épave, ils relèvent avant de les remonter à la surface la position de chaque objet sur un carroyage (une sorte d'armature qui permet de délimiter des zones sur une épave). Ainsi, couche après couche, ils enlèvent les objets tout en utilisant une sorte d'aspirateur géant pour retirer la vase et les sédiments et dégager des objets.

Une fois que la position des objets a été relevée, ceux-ci sont remontés à la surface grâce à une sorte de parachute gonflé avec de l'air, et qui entraîne l'objet avec lui dans sa remontée.

Les chasseurs d'épaves utilisent également des détecteurs de métaux pour repérer des objets métalliques.

Dater une épave très ancienne

Lorsqu'un archéologue se trouve face à une épave très ancienne, il peut, à partir d'une partie de sa charpente dater celle-ci en déterminant l'âge du bois retrouvé qui a servi à la fabrication du bateau. En effet, une poutre de bois comporte des cernes : chaque cerne correspond à la croissance qu'a connu l'arbre durant une année. Pourtant, chaque cerne ne fait pas la même épaisseur, car celle-ci dépend du climat.

Des spécialistes de la question ont constitué des catalogues répertoriant, année après année, la largeur de chaque cerne. Ils ont fait cela pour de très nombreuses régions et de très nombreuses espèces d'arbres. En théorie, il suffit donc de mesurer la largeur de chaque cerne et de comparer les résultats obtenus avec les mesures répertoriées dans le catalogue, pour obtenir avec une relative précision l'année à laquelle l'arbre a été daté.

Pour constituer le catalogue, il a d'abord fallu répertorier tous les vestiges en bois (portes, poutres) dont on connaissait l'âge avec précision, parce qu'une date était apposée dessus. Cette technique est imparfaite et il y a encore des trous dans certains de ces catalogues.

Renflouer une épave

Il faut tout d'abord savoir que le poids d'une épave à l'air libre et inférieur à celui d'une épave immergée. C'est la poussée d'archimède, qui pousse l'épave du bas vers le haut. Et c'est cette poussée d'archimède qui permet de renflouer le bateau avec une force inférieure à celle qui serait nécessaire pour le hisser à l'air libre.

Concrètement, il suffit de fixer un réservoir d'un volume adapté au poids de l'objet à renflouer, dans un premier temps rempli d'eau, au bateau, puis de chasser l'eau qu'il contient et de la remplacer par de l'air. Le réservoir remonte alors à la surface et entraîne avec lui l'épave entière.

Cette opération de renflouage a été appliquée en 1961 au Vasa, un navire de guerre suédois qui a fait naufrage dans le port de Stockholm trois siècles plus tôt, en 1628. Des câbles ont été passés sous la coque, et le système utilisant la poussée d'Archimède mis en place. La coque en bois était en très bon état, car elle n'a pas été dévorée par les tarets, ces vers mangeurs de bois étant absents des mers froides.

Une fois remonté à la surface, le bois du navire qui a séjourné des siècles dans l'eau est gorgé d'eau. Il faut alors le faire sécher progressivement tout en le pulvérisant à l'aide d'une sorte de colle pour le consolider.

L'archéologie des grandes profondeurs

Au delà d'une certaine profondeur, les chasseurs d'épaves ne peuvent plus atteindre les sites archéologiques sous-marins avec les équipements de plongée habituels. Il faut des robots sous-marins, pilotés depuis la surface, pour opérer sur de tels sites.

En effet, plus on plonge, plus la pression augmente. La pression de l'air que l'on respire subit elle aussi cette pression. De petites bulles d'azote pénètrent alors dans notre organisme. Si l'on remonte trop vite, ces petites bulles d'azote peuvent prendre du volume et devenir dangereuses. En remontant très lentement, on laisse à l'organisme de les éliminer naturellement. Tout dépend bien sûr de la profondeur à laquelle on plonge et du temps qu'on y reste : les palliers que l'on marquera lors de la remontée devront être plus nombreux et plus longs en fonction du temps passé sous l'eau et de la profondeur atteinte.

Les appareils utilisés pour l'archéologie sous-marine

D'ailleurs, à des profondeurs inaccessibles au plongeur, la première difficulté est de repérer les épaves depuis la surface, surtout lorsqu'elles sont couvertes de sédiments. C'est le magnétomètre, appareil qui permet de détecter les variations de champs magnétiques, qui va détecter des objets métalliques, comme des canons, des ossatures métalliques.

Le principe du magnétomètre est simple. La Terre se comporte comme un gigantesque aimant, et son champ magnétique fait bouger l'aiguille d'une boussole. Si l'on fait passer entre la Terre et la boussole un objet en métal, le champ magnétique est modifié. Les archéologues utilisent ainsi le magnétomètre pour détecter ces subtiles variations, et déduire grâce à elles si un navire est présent ou non.

Le sonar est également utilisé car il permet lui aussi la détection d'épaves. Cet appareil émet des ondes sonores vers les fonds marins et les capte après qu'elles ont rebondi sur ceux-ci. C'est en fonction du temps mis par l'onde pour faire l'aller et le retour que l'on sait à quelle distance se trouve le fond : si tout à coup l'onde met moins de temps pour faire cet aller-retour, c'est qu'elle a rencontré un relief, qui peut être une épave, ou simplement rocher, ce dont une plongée permettra de s'assurer.

Dans les grandes profondeurs, la photogramétrie permet d'étudier une épave. On déblaie au préalable les sédiments accumulés par le biais d'una appareil qui va, à l'aide du ventilateur dont il est équipé, souffler ceux-ci pour faire apparaître les vestiges. Puis on prend de nombreuses photos de celle-ci avant de modéliser une représentation virtuelle en trois dimensions de cette dernière, qui permettra l'étude du site.