La recherche d'or en Guyane

La Guyane Française, département d'outre-mer situé au nord-est du continent sud-américain, presque entièrement recouvert par la forêt amazonienne, et dont le sous-sol contient d'importantes ressources aurifères, est l'objet de ce documentaire signé « C'est pas Sorcier », qui a été réalisé en 2013.

Ce reportage suit donc les traces des chercheurs d'or guyanais, essentiellement à Saint-Élie, un tout petit village situé au cœur de la forêt équatoriale, où est implantée l'une des plus grandes mines d'or à ciel ouvert encore en activité dans cette partie du monde. On y découvre notamment l'une des carrières exploitées par la Société des Mines, qui dispose d'une concession de 100km2 délivrée par l'État Français.

Le documentaire traite de de l'extraction minière, de l'orpaillage légal, des techniques modernes qu'il met en œuvre, ainsi que des problématiques autour de l'orpaillage clandestin, difficilement contrôlable dans une forêt immense et impénétrable.

L'or en Guyane et son exploitation minière

La prospection minière en Guyane

Fred rencontre Alexandre Cailleau, géologue employé par la Société des Mines pour chercher de l'or sur le sol de la concession. Celui-ci explique l'une des méthodes utilisées pour prospecter dans la forêt amazonienne : il cherche en surface, sur le sol guyanais, des roches de quartz, qui ont la particularité de piéger l'or.

Au sein de la concession allouée à cette exploitationminière, les lieux sur lesquels on découvre les roches les plus intéressantes sont géolocalisés grâce à un GPS, tandis que les roches aurifères sont envoyées dans un laboratoire pour des analyses approfondies. Si celles-ci s'avèrent concluantes, des investigations plus poussées vont être menées.

Des tranchées seront ainsi creusées pour découvrir les roches de quartz susceptibles de contenir un filon d'or. Si la présence d'or est à nouveau avérée, une troisième analyse va être menée : des foreuses vont percer le sol sur une profondeur d'une centaine de mètres afin d'extraire des échantillons qui vont à nouveau être examinés en laboratoire.

Les forages permettent de déterminer la quantité d'or contenue dans le sous-sol et d'évaluer si l'exploitation de ce dernier est rentable ou non.

Sur les zones riches en roches aurifères, des pelles mécaniques creusent dans la latérite, cette roche de couleur rouge brique typique du sous-sol guyanais (issue de l'altération, sous l'effet de l'eau abondante en milieu tropical, des roches).

Sur la des carrières du site minier de Saint-Élie, à peine 150kg d'or sont extraits en moyenne chaque année. La concentration du métal précieux est ainsi très réduite. Pour chaque tonne de roches tirées du sous-sol et traitées, à peine 1 à 2 grammes d'or seront extraits. Jamy explique alors que ceci est dû à la rareté du métal précieux : sur toute la surface du globe, quelque 2500 tonnes d'or sont extraites chaque année, contre deux milliards de tonnes de fer.

Comparées aux 340 tonnes produites par la Chine, aux 255 tonnes extraites par l'Australie, ou aux 230 tonnes produites par les États-Unis, la Guyane Française ne produit quant à elle que 2 tonnes d'or chaque année.

Les origines de l'or

L'or est l'un des 92 éléments qui composent notre planète, au même titre que le fer, l'argent ou le cobalt. Il était présent dès la formation de notre planète, il y a 4,6 milliards d'années, quand la Terre n'était qu'une énorme boule de magma en fusion.

L'or a la particularité d'être attiré par le fer. C'est pourquoi, au moment de la formation de la Terre, il aurait migré vers le noyau terrestre, essentiellement constitué de fer.

Cependant, bien qu'il s'agisse d'un métal considéré comme très rare, de grandes quantités d'or sont présentes en surface, sur la croûte terrestre. Selon les scientifiques, il y aurait en effet plus d'or qu'on ne devrait en trouver sur la surface de la Terre. Le métal jaune serait donc arrivé après sa formation, il y a 3,8 milliards d'années, époque à laquelle la planète, recouverte d'une croûte terrestre, aurait été frappée par de nombreuses météorites. C'est cette pluie de météorites, en s'abattant sur la Terre, qui aurait amené avec elle l'or contenu dans la croûte terrestre et les formations géologiques que l'on exploite actuellement sur tous les continents.

Le "bouclier des guyanes" est le nom donné à l'une de ces formations géologiques anciennes, s'étendant du Venezuela à la Guyane Française, et particulièrement riches en or. Dans ces formations, le métal précieux est prisonnier du quartz, soit sous la forme de pépites, soit, quand il est associé à du fer ou du soufre, sous la forme d'un minerai grisâtre.

Le traitement du minerai aurifère

Après extraction, le minerai est concassé puis broyé, et mêlé à de l'eau. On sépare les gros cailloux des particules plus fines afin d'améliorer le traitement qui va suivre. Le broyage permet de libérer l'or de la gangue de quartz dans laquelle il est contenu : après cette étape vient un passage à la centrifugeuse, qui va permettre de séparer les particules d'or du reste du minerai.

Mais la matière recueillie après que le minerai a été centrifugé est loin d'être pure. Elle doit encore passer par une étape supplémentaire, la table à secousse, qui va secouer le concentré tout en le lavant à l'eau. Comme l'or est 19 fois plus lourd que l'eau, il reste au fond, tandis que les particules plus légères sont évacuées.

Avec cette méthode, on n'utilise plus tout de mercure, métal polluant et très nocif qui servait à amalgamer les toutes petites particules d'or, éviter qu'elles ne se dispersent, et donc faciliter leur récolte.

L'orpaillage (légal) en Guyane

Les orpailleurs extraient l'or des rivières. Ces chercheurs d'or ont modernisé leurs pratiques : s'ils utilisent bien la traditionnelle batée, c'est seulement pour s'assurer que la rivière qu'ils projettent d'exploiter est bien une rivière aurifère.

Après les premiers prélèvements réalisés à la batée, la prospection est opérée à la pelle mécanique, ce qui permet d'atteindre directement les couches de graviers où l'or pourrait se trouver. La batée est alors à nouveau utilisée pour affiner le prélèvement réalisé.

Le principe de la batée est simple à comprendre : il s'agit d'un ustensile en forme de cône que l'on remplit de sédiments que l'on vient délaver avec l'eau de la rivière. Un mouvement circulaire permet d'évacuer les particules les plus légères, et de garder les particules d'or (bien plus lourdes) au fond.

La formation de l'or alluvionnaire

Comment l'or se retrouve-t-il dans les rivières ? Au départ, l'or est prisonnier des roches mères. On parle à ce stade d'or primaire. Sous l'effet des mouvements de terrains et de l'érosion, cette roche finit par affleurer ; elle subit alors à son tour l'érosion, qui est due au ruissellement des eaux de pluies. De fines particules sont arrachées pour se retrouver entraînées dans les ruisseaux, lesquels se déversent dans les rivières. À ce stade, on parle d'or alluvionnaire.

Lorsqu'il est charrié par l'eau d'une rivière, l'or peut être stoppé par un obstacle ou arrêter sa course dans un méandre, où le courant est beaucoup plus faible. Comme l'or est un métal dense et pèse 19 fois plus que l'eau, les particules vont couler. Au fil du temps, les particules vont être recouvertes par d'autres sédiments, raison pour laquelle il va parfois falloir aller les chercher à 3 ou 4 mètres de profondeur, parmi le sale ou les graviers.

Les techniques utilisées par les orpailleurs

Les chercheurs d'or, pour pouvoir évacuer les tonnes de sédiments d'une rivière, vont déboiser tout autour de celle-ci, puis vont détourner provisoirement son cours en asséchant le lit principal à l'aide d'une digue. Ainsi, ils pourront excaver aisément le sable et le gravier aurifère, pendant que la rivière continue son cours quelques dizaines de mètres plus loin.

Les fosses creusées pour atteindre les sédiments aurifères sont appelées barranques.

Le minerai récolté est ensuite déposé sur la table de tri, où il est aspergé d'eau. La boue obtenue passe ensuite sur des tapis et c'est sur ces derniers, que l'or plus lourd que le reste va être capturé.

Une fois que la zone a été exploitée et l'or récupéré, les barranques sont rebouchées, la digue retirée et le cours d'eau retourne dans son lit habituel.

Le sous-sol guyanais étant naturellement riche en mercure, l'exploitation aurifère libère celui-ci lorsqu'elle traite les tonnes de sédiments. L'eau doit longuement décanter, afin que le mercure puisse être récupéré, avant de pouvoir être rejetée dans la rivière. Ensuite, le site d'orpaillage doit être reboisé selon un processus particulier.

L'orpaillage illégal en Guyane

L'orpaillage illégal en Guyane peut notamment être le fait de garimpeiros, des chercheurs d'or brésiliens qui pénètrent sur le territoire guyanais par le biais des nombreux cours d'eau qui l'irriguent. Ceux-ci sont accusés de détruitre la forêt équatoriale en extrayant l'or contenu dans le sous-sol. Non seulement ils utilisent du mercure pour séparer l'or des impuretés et l'amalgamer, ce qui pollue énormément les cours d'eau et la forêt guyanaise, mais qui plus est, celui-ci est naturellement contenu dans le sous-sol qu'ils creusent.

Leur activité libère ainsi des quantités massives de mercure, lequel se concentre dans la chair des poissons et menace tout l'écosystème. Au bout de la chaîne alimentaire, ce sont les humains qui sont menacés. En effet, les amérindiens, qui vivent de la pêche, subissent le contrecoup de cette pollution. Dans certaines zones, 30% de la population présente un taux de mercure dans l'organisme largement supérieur à la norme.

Selon les estimations, jusqu'à 10 tonnes d'or pourraient ainsi être extraites chaque année illégalement, soit 5 fois plus que le minerai extrait légalement.

Cet orpaillage illégal nécessite une logistique (approvisionnements des orpailleurs) et des équipements qui laissent penser qu'un important réseau a été créé autour de cette activité. Le fleuve Oyapock, qui sert de frontière entre le Brésil et la France, permettrait l'exfiltration de l'or illégal. Le métal précieux serait en effet exfiltré jusqu'à la commune brésilienne de Iapoque, où il serait alors déclaré comme ayant été extrait sur le territoire de cette commune, au Brésil, et ainsi blanchi.

Un accord de coopération contre l'orpaillage illégal a bien été signé entre la France et le Brésil, mais il n'a toujours pas été ratifié par le parlement brésilien.

L'une des solutions pour lutter contre les exploitations illégales serait de mettre au pint une traçabilité, permettant au consommateur de savoir d'où l'or qui compose son bijou a été produit. Cependant, c'est extrêmement difficile à mettre en place, car lorsqu'il est fondu, il perd absolument toute trace de ses origines.

Transformation de l'or légal

Après extraction, l'or légal est ensuite acheminé jusqu'à un site dont la localisatione, dans ce département d'outre-mer, est tenue secrète. Après avoir été débarrassé des dernières impuretés qu'il contient, le métal jaune est transformé en une poudre qui sera ensuite fondue sour la forme d'un lingot d'or fin, c'est-à-dire pur à 99,99%.

Tout le métal jaune produit ici est donc issu des exploitations disposant des autorisations légales. Il est ensuite acheminé jusqu'en métropole, où il sera commercialisé sous le nom d'or de Guyane. Grâce à cette labellisation, la traçabilité semble donc totale.

Cependant, le documentaire étudie la question de plus près. On s'aperçoit ainsi que cet or est ensuite mélangé à du minerai en provenance des mines des quatre coins du monde (Philippines, Congo, etc.) et dont la traçabilité est plus que douteuse. De la même manière que le minerai illégal en provenance de la Guyane est ensuite blanchi et transformé en minerai légal au Brésil, ces pratiques ont lieu dans de très nombreuses zones du monde. Enfin, une partie des vieux bijoux est recyclée et l'or obtenu à partir de ce recyclage retourne donc dans le marché sans qu'il soit possible de déterminer d'où elle provenait initialement…