Le batteur d'or

Le batteur d'or (ou orbatteur en moyen français) est l'artisan qui transforme les métaux nobles tels que l'or, l'argent (ou même, mais beaucoup plus rarement, le palladium), en feuilles d'une épaisseur infime.

une feuille d'or appliquée sur une toile
Feuille d'or appliquée sur une toile par un artiste.

Dans l'écosystème des métiers de l'or, le batteur d'or fait office d'intermédiaire : il transforme une matière première, pure et affinée (le métal précieux), en un produit fini (les feuilles d'or) prêt à être utilisé par d'autres corps de métiers. Le fruit de son travail est destiné à d'autres artisans, tels que les restaurateurs, les enlumineurs, les doreurs, les graveurs, les artistes peintres et même les chefs cuisiniers. Ses créations seront ensuite appliquées par ces artisans sur les objets qu'ils restaurent, ornent, ou gravent.

L'activité pour laquelle il est le plus connu est la confection de feuilles d'or, mais il crée aussi des feuilles d'argent ou de palladium.

Le battage d'or : savoir-faire et techniques

Le batteur d'or exploite des propriétés de l'or bien connues : la malléabilité et la ductilité. C'est en effet la malléabilité qui confère à l'or sa capacité à être aplati en feuilles d'une épaisseur comprise entre 0,2 micromètre et seulement 1/10ème de micromètre. Le battage d'or permet ainsi de réduire l'épaisseur d'un lingot de plus de 75000 fois.

La forge

Afin de lui conférer diverses teintes (du jaune au rose, en passant par le gris, le rouge, le bleu et le vert), et en fonction de l'utilisation à laquelle les feuilles sont destinées, de subtils alliages doivent être réalisés. L'or pur est donc mélangé à différents métaux précieux ou semi-précieux, selon différentes recettes qui, en plus de lui permettre d'acquérir de nouvelles couleurs, lui permettent aussi de gagner en solidité. Mélangé dans un creuset à 1200°C (qui est la température de fusion de l'or), le mélange devient un alliage qui est ensuite coulé dans une lingotière dont on sort un lingot d'un poids allant de 220 à 400 grammes et de 20cm de long sur 4cm de largeur et 1 à 1,5cm d'épaisseur.

Le laminage

Ce lingot est ensuite passé dans un laminoir, et transformé en un ruban de 4 centimètres de large sur environ 40 de long. Au cours de cette étape, l'or est laminé : il passe entre des cylindres contrarotatifs (qui tournent en sens opposé), qui vont exercer une pression sur le métal. C'est cette pression qui produit l'écrasement grâce auquel l'épaisseur du lingot est ainsi réduite jusqu'à environ 17 microns.

Le battage

Ce long ruban va être découpé en carrés de 4cm de côté, et chaque petit carré placé entre deux feuilles d'un papier extrêmement fin, de 16cm de côté, le tout se présentant sous la forme d'un livret appelé le caucher.

C'est à ce moment là que le battage proprement dit a lieu : au cours de cette opération, les carrés de 4cm sont battus par un marteau-pilon (l'or recevra 2 coups par seconde, et au total près de 1500 coups) qui exerce une nouvelle pression sur le métal et diminue son épaisseur. Les carrés obtenus ont désormais 15cm de côté pour une épaisseur d'à peine 1,2 micromètres. Traditionnellement, c'est une ouvrière spécialisée, l'apprêteuse, qui vient recouper ces feuilles de métal précieux en carrés plus petits, de 5cm de côté, qu'elle place ensuite délicatement dans le chaudret, en les intercalant entre les feuilles de plastique qui le composent.

Ces carrés sont à nouveau battus sous un marteau mécanique qui les écrase et les allonge en carrés de 12cm de côté, et d'une épaisseur bien moindre : cette fois, la feuille ne fait plus que 0,2 micromètres…

Le vidage

Les feuilles obtenues, d'une épaisseur de l'ordre du dixième du nanomètre, sont ensuite triées par l'ouvrière que l'on nomme la videuse : c'est en effet elle qui sort les feuilles qui viennent d'être battues et vérifie qu'elles ne présentent aucun défaut. Elle retire délicatement, à l'aide d'une pince de roseau, les feuilles qui se présentent sous la forme de carrés de différentes tailles (80mm de côté, 84mm de côté, ou 91,5mm de côté), qu'elle place dans un livret en les intercalant chaque fois entre des feuillets de papier. Un livret compte généralement 25 feuilles.

Utilisation des feuilles d'or

Les feuilles d'or, d'argent ou de palladium produites par le batteur sont utilisées dans différents domaines, par des corps de métiers très différents. C'est surtout l'or qui est utilisé.

cadre doré à la feuille d'or
Un doreur applique des feuilles d'or sur un cadre en bois.

De nombreux artisans travaillant à la restauration d'œuvres d'art ont régulièrement recours à ces feuilles. Ils les appliquent sur des cadres anciens, sur des enluminures de livres de plusieurs siècles ou des objets historiques qui on souffert de l'injure du temps.

Les quelques rares enlumineurs qui exercent encore cette profession s'en servent pour orner leurs créations : en y mêlant de l'or, ils mettent ainsi véritablement en lumière les textes qu'ils illustrent.

Mais ce n'est pas tout : d'autres corps de métiers se servent des produits réalisés par les derniers batteurs d'or du monde. Les chefs étoilés mêlent à leurs créations culinaires des poudres ou des feuilles d'or qui donnent à leur savoir-faire en matière de gastronomie la dimension d'un art pictural. Enfin, les cosmétiques se sont emparés des feuilles d'or pour confectionner des masques de luxe auxquels on prête des vertus régénératrices.